DÉCOFFRAGE N°10- Evolutivité des batiments
Évolutivité des bâtiments : l’économie circulaire au service des villes
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- Evolutivité des bâtiments
Entre crise du logement dans les métropoles et sur les littoraux, raréfaction du foncier et urgence écologique, latransformation du bâti existants’impose comme une solution pertinente. Habitation, bureaux, commerces… et si un même bâtiment pouvait répondre à plusieurs besoins, au fil du temps et des évolutions de la société ? C’est tout l’enjeu de l’évolutivité des bâtiments.
Quelles sont les pratiques aujourd’hui ? Quelles perspectives pour demain ?Freins réglementaires, complexité desnormes, rentabilité... Nous mettons le sujet en lumière !
Une conjoncture propice à l’évolution des usages
L’évolutivité d'un bâtiment fait référence à sa capacité à êtreréutilisé pour une ou plusieurs fonctions différentesau cours de sa vie. Elle permet de transformer des bureaux en logements, diviser une maison en appartements, reconvertir des commerces en espaces partagés...
Le principe relève desgrands objectifs de l’économie circulaire:
- limiter les constructions neuvespour préserver les ressources ;
- freiner l’étalement urbainpour préserver la biodiversité.
Des enjeux fonciers et environnementaux
Différents éléments de contexte viennent aujourd’hui renforcer l'importance de l’évolutivité des bâtiments.
- Lademande de logementsest enforte haussedans certaines zones tendues, notamment les métropoles et les littoraux.
- Lalégislation(via la loi ZAN) encourage la densification des zones urbaines et la réhabilitation des friches, même si elle se heurte à uncontexte réglementaireet d’autres cadres plus restrictifs (loi Littoral de 1986, plans locaux d’urbanisme contraignants...).
Une offre immobilière sous tension mais sous-utilisée
Les changements des modes de vie, l’essor du télétravail ou encore l’obsolescence d’une partie du parc tertiaire mènent à denombreuses vacances immobilières. Si des millions de m2 de bureaux étaient déjà vacants avant la crise du COVID, celle-ci a accentué la tendance. Aujourd’hui,9,2 millions de m2de bureaux sont inoccupés (Consortium des bureaux de France, 2024). En cause : l'adoption accrue du télétravail et la volonté des entreprises de réduire leur surface louée.
Pour faire face à un parc de bureaux vieillissant (avec au moins 50 % d’immeubles datant de plus de 30 ans), laréhabilitations’impose comme un levier stratégique. Une pratique d’autant plus importante dans un contexte où les enjeux environnementaux sont de plus en plus ambitieux. Parmi eux, on retrouve le besoin des exploitants de bénéficier d’actifs performants d'un point de vue énergétique et carbone pour une meilleure valorisation sur le marché. L’objectif étant de se distinguer de la concurrence via l’apparition d'une valeur verte dans la gestion d'actifs.
Avec l’évolutivité des bâtiments, ladéconstruction sélectiveest préférée à la démolition puis reconstruction : elle permet deréduire les émissions de gaz à effet de serreliées aux chantiers.
Un cadre réglementaire en cours d’évolution
Depuis quelques années, l’évolutivité des bâtiments gagne en reconnaissance institutionnelle et fait partie des thématiques du groupe de travail du label CAP 2030 sur l’économie circulaire.
- Laloi ELAN (2018)introduit des bonus de constructibilité pour les transformations de bureaux en logements pour compenser les coûts de l’opération.
- Desdérogations aux règles des PLUsont rendues possibles au cas par cas.
- Desmesures fiscales incitatives(TVA à taux réduit, fiscalité allégée...) viennent encourager les changements d’usage.
- France Relancealloue plus de 600 millions d’euros d’aides : 300 millions d’euros pour la reconversion de friches et 350 millions pour l’aide à la relance de la construction durable.
- Lesmétropoless’emparent aussi du sujet, comme en Île-de-France où une charte d’engagement visait à transformer 500 000 m² de bureaux.
L’évolutivité des bâtiments : état des lieux du marché
Avec lararéfaction du foncier,lesobjectifs de la SNBC(ou échelle européenne Plan Fit For 55) et lespolitiques de sobriété foncière(la loi ZAN, entre autres), la réhabilitation devient une voie incontournable pour maintenir l’activité dans le BTP. Elle pèse aussi de plus en plus dans lesévaluations extra-financières(RSE, taxonomie, etc.), renforçant son attractivité.
En conséquence, le marché se structure. Promoteurs, entreprises générales, investisseurs… tous développent des expertises pour répondre à cette demande croissante. Latransformation de bureaux en logementsconstitue la majorité de ces chantiers — elle représentait 13 % des permis de construire entre 2013 et 2021 (CBRE, 2022).
Un cadre s’établit aussi, notamment via descertificationset des référentiels comme Bâtiments Durables Franciliens, coanimé par l’ADEMEpour accompagner des projets responsables et durables.
Bâtiments évolutifs : des freins encore présents
Si le mouvement vers l’évolutivité des bâtiments est lancé, de nombreuxfreinssubsistent.
- Ils sont d'abord économiques, avec laquestion de la rentabilité: les logements sont souvent moins rentables et plus réglementés que les bureaux.
- Ils sont aussi normatifs : les différences de normes — sécurité incendie, acoustique ou accessibilité PMR — selon l’usage des bâtiments (logement, bureau, neuf, existant, etc.)compliquent les réhabilitations.
- Certainesmorphologies de bâtimentssont très contraignantes et impliquent des coûts de travaux importants.
Aujourd’hui, les aides existantes ne suffisent pas à compenser ces surcoûts. Mais un levier reste sous-exploité : laconception lors de la construction même des bâtiments. Il faut penser l’évolutivité en amont des projets pour la faciliter.
Concevoir autrement : vers un nouveau modèle de bâtiments
Pour rendre l’évolutivité réellement viable et rentable, il faut l’anticiper dès la conception des bâtiments. Ainsi, plusieurs leviers sont à activer en amont :
- laTVA– en se penchant sur son montant dans le cas de bureaux évolutifs ;
- lamaîtrise du coût total au m²– en intégrant les futures évolutions et les contraintes normatives et techniques ;
- lavaleur du bien– en visant les bons labels et niveaux de performance ;
- unestructure adaptée– en pensant le bâtiment (trames et cloisons) pour éviter toute démolition lourde lors d’un changement d’usage.
Pensez aussi à prévoir les démarches administratives comme la demande de permis de construire ou la déclaration préalable lors duchangement de destination ou de zonage.
Le béton : un matériau clé dans les projets de réhabilitation
Combiné à une bonne conception,le béton favorise l’évolutivité des bâtiments.
Sadurabilitéet sarésistance mécaniquefacilitent la réutilisation du bâti dans le temps. Il présente un excellent comportement au feu. Il est aussi résistant aux intempéries, et donc parfaitement adapté à différentes règles desécurité. Sespropriétés acoustiquesfacilitent aussi la transformation de bureaux en logements.
Son autre atout est sa polyvalence. Le béton s’adapte à demultiples applications en réhabilitation:
- Le renforcement de structure ou de fondation existante (dalle de compression allégée, chemisage de poteaux ou poutres) ;
- La recréation de cloisons ou de façades avec des blocs de bétons ou biosourcés (BIOSYS) ;
- La recréation de gaines ;
- Les réparations et les scellements ;
- La création d’éléments de coffrages sur mesure en béton 3D pour la réalisation de trémies ou pour le chemisage de poteaux, etc.
Cette polyvalence se traduit aussi par une diversité de formulations (bas carbone, pompables, allégés…), chacune servant les besoins spécifiques au chantier.
Il est aussimodulaire(si la modularité et la démontrabilité ont été étudiés lors de la construction) : des éléments en béton peuvent être préfabriqués (panneaux de façade, cloisons, dalles de plancher...) pour faciliter les transformations.
Enfin, le béton estcompatible avec l’intégration de nouvelles technologiesrépondant aux exigences croissantes d’économie d’énergie, et sesversions bas carbonecontribuent à la réalisation de projets exemplaires en termes de performance énergétique.
Le principe de l’évolutivité des bâtimentsrépond à de multiples enjeux : la tension foncière, l’obsolescence progressive des locaux tertiaires, et les enjeux environnementaux. Le secteur de la construction se mobilise déjà, par exemple via les labels Bâtiments Durables, mais il devient urgent deformaliser des règles de conception techniquepour anticiper les transformations, et delever les freins réglementairesen place,par exemple en instaurant un permis de construire mixte.



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Laurent LEGAY - Directeur marchés et offre - Vicat